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L'organisation des actions de Génération Z

Dernière mise à jour : 13 juin 2022

Le militantisme chez Génération Zemmour (GZ) ressemble en beaucoup de points à celui des partis politiques traditionnels. Les membres agissent à travers des collages d'affiches du candidat, des porte-à-porte avec les citoyens, des tractages sur la place publique, l'organisation de meetings et de soirées militantes. Cet article a pour but de décrire la communication du groupe militant et l'organisation de ses actions.


La communication et l'organisation des militants se fait exclusivement sur le réseau social Telegram, adopté par plusieurs tendances politiques, notamment la sphère macroniste. Ce réseau permet une diffusion facilitée des messages via des groupes mais aussi le cryptage des conversations. Pour y accéder, il vous faut adhérer au collectif militant GZ en remplissant un formulaire d'inscription. Puis, vous êtes ajoutés, tout d’abord, sur le groupe Ile de France (après avoir précisé sa zone de résidence sur le dit formulaire). Ensuite, sur le groupe Paris. Enfin, sur ce même groupe, les contacts Telegram des responsables de chaque arrondissement sont affichés. Généralement, le militant moyen est membre de plusieurs groupes. J'ai donc intégré plusieurs arrondissements pour l'enquête. Une fois infiltré, j'ai accès aux informations concernant les horaires et lieux de rendez-vous de toutes les actions militantes.


Sur chaque groupe, le responsable ("respo") est chargé d’organiser et de coordonner actions et militants. Le responsable publie un sondage sur un collage (toujours aux alentours de 23h ou 5h30 du matin) et les militants y répondent. En fonction de la participation, l’action est maintenue ou non.

Dans certains groupes, comme ceux du XIIIème et XIVème arrondissement, quasiment toutes les actions prévues ont lieu tandis que dans d'autres, comme ceux du Vème et VIème arrondissement, les actions sont souvent annulées ou reportées par manque de mobilisation des militants. Pourtant, même dans ces groupes très peu mobilisés, les "respos" restent très actifs, le taux d’organisation d’actions reste le même que dans les arrondissements fortement mobilisés.


Dans les groupes Telegram on se lâche peu. Les militants essayent de ne pas s’éparpiller surtout quand les actions sont « épinglées » (mises en avant), et ce afin de ne pas polluer la conversation.

Les messages d’ordre général postés sur les groupes principaux tels que IDF ou Paris sont repartagés dans les groupes d’arrondissements, tout comme les messages entre arrondissements et entre responsables. Lorsqu'on a besoin de militants dans un arrondissement, des appels sont lancés aux autres arrondissements pour qu'ils viennent prêter main forte à l'arrondissement en difficulté


Pour des raisons d’anonymat, je me suis essentiellement restreint aux activités nocturnes ou aux rassemblements fermés (collages et meetings).


Les collages


Les actions les plus répandues et celles auxquelles j'ai le plus participé sont les collages. C’est par ce biais que j'ai pu établir des liens avec les militants, parler avec eux et me renseigner. Les collages consistent à se réunir pour coller les affiches d’Éric Zemmour sur des panneaux, des poubelles, des boîtiers électriques ou autres types de mobiliers urbains et de façades. Leur légalité dépend des endroits où sont collées les affiches : certains bâtiments, vitrines, dispositifs de sécurité ou de service public sont interdits.

L’organisation est habituelle : les militants s’organisent pour ramener le matériel (colle, seau, pinceaux, affiches), se rejoignent à un point de rendez-vous puis avancent groupés selon la direction donnée par le respo. Lors des collages, on discute mais pas trop non plus : il faut être efficace. Les grands axes et boulevards sont ciblés pour une meilleure visibilité des affiches. Mais la prudence est de mise, et ces grands axes sont parfois évités par peur d’agression par les groupes antifascistes. Pour minimiser les risques, on colle rapidement dans les zones exposées et on avance vite. En moyenne, c’est une quarantaine d’affiches qui sont placardées par collage, chaque arrondissement en organisant 2 à 3 par semaine.


Concernant la sécurité, tous les collages se font à minimum avec 7 ou 8 personnes, accompagnés de membre du service d'ordre (SO) qui sont des militants censés assurer la sécurité du collage. Plus la campagne électorale avance, plus la sécurité est renforcée et les SO nombreux, au point d’en arriver à faire des collages à plus de 15 personnes dont la moitié sont membre de la sécurité. Des jeunes de 16 à 25 ans, visage souvent couvert, armés la plupart du temps (gants coqués, matraque télescopique, taser, parfois arme blanche). Ils opèrent la sécurité par la technique de la « bulle » qui consiste à déployer les SO selon chaque axe et rue donnant sur le lieu de collage. Chacun fait le guet, et communique par signe de main, faisant le moins de bruit possible. Si il y a un problème, c’est les SO qui s’en occupent, avec pour priorité de mettre en sécurité le reste du groupe.


La peur principale lors des collages sont les groupes d’antifas qui traînent dans le secteur et qui les cherchent. Cf article Génération Z et les antifas.

Photo : AFP / Julien de Rosa


Les meetings


Concernant les meetings, j'ai pu participer à deux d’entre eux. C’est aux meetings que j'ai constaté l’amateurisme du groupe militant GZ et par extension celui de Reconquête.


Pour le premier meeting, je me suis inscrit le jour même quasiment. Je suis arrivé et, sans contrôle de mon identité par les responsables de l’évènement, j'ai commencé à préparer la salle à l'accueil du public en installant chaises et dispositifs scéniques. On m'a par la suite mis en charge de l’accueil de la presse, tandis qu’une militante s’est vu attribuer l’accueil des VIP alors même qu'elle était nouvelle dans le mouvement et incapable de reconnaitre les cadres du parti qu'elle devait pourtant accueillir et guider.

Il a été ensuite très facile de se procurer le badge VIP pour participer au cocktail après le discours d'Éric Zemmour. Je me suis retrouvé à quelques centimètres de lui, sans garde du corps, alors qu'il prenait des photos ou signait des autographes.


A mon second meeting, j’ai fait partie de la sécurité, appelé SO (Service d'ordre). J’ai été attribué à une équipe chargée de la surveillance et du filtrage d’une avenue lors du grand meeting du Trocadéro. Pour rejoindre la sécurité j’ai juste eu à remplir un formulaire dans lequel j’ai dû répondre à la question « Quelles sont vos compétences pour cette mission ? », puis un responsable m’a contacté. Je n’avais jamais eu ce rôle avant, et j’ai été propulsé directement en première ligne pour assurer la sécurité de l'événement. Nous étions épaulés par la gendarmerie mobile et par une compagnie de sécurité privée. Le filtrage était exclusivement réalisé par membres du SO. Là encore, personne n’a vérifié mon identité ni posé de questions. J’avais pourtant accès à toutes les informations sur la sécurité du meeting, l’emplacement des SO, les ordres, le dispositif et les alertes diffusées par talkie-walkie.


Cette organisation, justement, se divise en deux types équipes : les équipes fixes attribuées à un secteur, divisées en trois, une par trottoir et une au centre ; les équipes d’intervention quant à elles mouvantes et censées intervenir en cas de problème. Toutes ces équipes sont composées d’un chef d’équipe, portant une radio reliée directement aux responsables SO et de la sécurité entière du meeting.


L’inexpérience se voit autant chez les militants GZ que chez les responsables Reconquête. Lors du meeting, que ce soit dans l’installation ou dans le filtrage, nos ordres changent souvent, se contredisent. Les chefs d’équipes eux-mêmes s’en plaignent. Pendant plusieurs heures, on ne sait plus qui laisser entrer, qui contrôler. La solution sera rapide : on fait à la tête. Les "blancs" avec des drapeaux on les laisse passer, les gens de couleurs ou "louches" on leur pose des questions.


Mon infiltration par définition prouve cet amateurisme dans les groupes militants et par extension dans le parti. Bien que les membres se revendiquent comme le plus grand rassemblement de jeunes partisans, leur organisation montre qu'ils sont encore inexpérimentés dans le militantisme, l'organisation des actions et la protection des informations sur la campagne. Leur investissement est lui aussi à relativiser au vu de l'inaction dans certains groupes Telegram, même s'il faut reconnaître le dévouement presque sacrificiel de certains militants dans la campagne.



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